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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 11:37

L' affaire Outreau, par ses spectaculaires rebondissements et ses échos diffractés dans tous les champs médiatiques, a permis l'émergence de propos soi-disant "de bon sens", et qui s'articulent sur des "évidences":

- la parole de l'enfant n'est pas fiable

- dès qu'il y a flou, contradiction, le message est frauduleux

- quand une "vérité" émerge dans la durée, avec des étapes, c'est qu'il y a manipulation, induction par le questionneur.

Ces "axiomes", souvent ancrés à un cartésianisme quasi intégriste (du "Logos", rien que du "Logos" / de la causalité binaire, rien que de la causalité binaire, du Vrai & du Faux, rien que du Vrai & du Faux!) nient toute analyse systémique -voir le cours dans ce même blog-, et remettent en question la parole des victimes, essentiellement des enfants et des femmes.

Dans la réalité de la Clinique, la verbalisation d'un affect, d'un ressenti, a fortiori s'il s'agit d'un trauma, est longue, complexe, et ne se précise que si le climat de "bienveillante neutralité" est mis en place, fiable, pérenne, ritualisé par un protocole institutionnel (espace, temps, dispositif, décorum...).

En voici, (très) schématiquement, les étapes:

- le silence ("Et que dit ce silence", Bérénice, II,5 Racine), la scotomisation, le déni, la dénégation, l'amnésie...

- la "présence en creux": le discours se clos autour d'un fait indicible, ou dès qu'une analogie est possible entre un événement narré et le trauma

- l'hystérie, sous des formes diverses (condensation, déplacement, symbolisation), légères (rougeur, bégaiement, toux...) ou plus lourdes (eczéma, paralysie, etc...)

- la réplication, par métonymie, de la scène archaïque (jeux, poupée, dessin, rapports aux animaux, etc)

- le "muthos", signifiant énigmatique, confus: les "symboles" utilisés pour suggérer sans expliciter sont souvent les mêmes que dans les Mythologies, les textes religieux, la littérature, la peinture: à angoisses identiques, expressions cathartiques identiques.

- le "logos", approche distanciée, capable de décrire "objectivement" le contexte, l'événement et ses propres affects.

La difficulté est d'aider la personne à décrypter son propre "MUTHOS": il doit pour ce faire entendre le "second degré". Oedipe, enfant, est incapable d'entendre le second degré, "croit" qu'il est "fils en toc" ("plastos uios"), croit qu'il va "pour de Vrai", "tuer son Père & épouser sa Mère". Ce n'est pas une question de bêtise (jamais!!!!!), devant la Sphinge il sait déchiffrer les énigmes proférées "en Muthos"!

Certes, dans ce long cheminement vers la Vérité, l' "ALÊTHEIA" (non caché, en grec), il y a risque d'induction par le questionneur, un petit nombre de dysfonctionnements ont été repérés ça et là (très minoritaires, ce sont toujours les mêmes qui sont cités par les tenants du "Logos").

Cela dit, outre la déontologie et le professionnalisme, il existe des "critères de validité" conçus pour éviter les erreurs, vous en trouverez ci dessous deux versions.

Je suggère à quiconque écoute les enfants, les personnes en souffrance, celles qui une fois blessées se taisent ou font semblant, de s'entraîner au décryptage: lisez et entendez Héraclite, Parménide, Sophocle, Bible & Coran, Racine, soyez dans la musique de Mallarmé ou de Proust comme un poisson dans l'eau, et les bribes de sens d'une victime vous dessineront un propos clair, à la fois singulier et pluriel.

"LOGOS", "MUTHOS", "A-LÊTHEIA"
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